L’histoire du collège

Création

Après les troubles religieux du XVIème siècle (protestantisme, gueux …), les autorités civiles et religieuses de Bergues décidèrent la création d’un « collège » afin que l’élite de la jeunesse soit instruite dans la vraie religion.

Les lettres patentes des Archiducs Albert et Isabelle approuvèrent cette création.

La direction de ce nouveau Collège est confiée à la Société de Jésus, créée en 1534 par Ignace de Loyola, rendue célèbre pour son efficacité tant dans l’enseignement que dans la lutte contre l’hérésie.

Les Jésuites, pour s’installer, exigeaient la construction d’un bâtiment, d’une église, et une dotation annuelle de 4000 florins (environ 27000 euros) pour pouvoir fonctionner. Pour parvenir à cette somme, les archiducs attribuèrent à la ville les revenus de 350 hectares de bonnes terres jusque-là réservés à l’hôpital Sainte Marie-Madeleine qui soignait les lépreux… Pour justifier ce « détournement de fonds », on décréta qu’il n’y avait plus de lépreux, et que, par ailleurs, grâce à un enseignement approprié, les Jésuites lutteraient contre l’hérésie de Luther et de Calvin, « lèpre spirituelle encore plus pernicieuse que celle du corps… ». Le Père Abbé de l’abbaye Saint-Winoc compléta ce revenu par un don de 600 florins.

En attendant la nouvelle construction, la première rentrée eut lieu le 8 août 1600 dans la maison du maître de chapelle de l’église Saint-Martin.

Construction

La ville tint parole, au-delà de toute espérance…

Après l’achat des terrains, parfois à grands frais, la ville et la châtellenie entamèrent la construction promise sur le terrain situé sur la pente du Groenberg. La propriété, d’environ 1,2 ha, était limitée par ce qui est, de nos jours, la rue du Séminaire, le Marché aux Chevaux et la rue Pierre Decroo ; la clôture du fond du jardin s’alignait à peu de chose près avec l’actuelle rue des Postillons.

Les travaux de terrassement commencèrent dès le mois de juin 1601 et la première pierre fut posée solennellement le 7 août de la même année.

On commença par les deux ailes qui abriteraient les salles de classe, appelées à l’époque classes de grammaire et figures, syntaxe, humanités, éloquence… (Ces deux premiers bâtiments furent les seuls qui étaient encore debout lors de l’incendie de 1909).

A l’étage se trouvait une vaste salle des fêtes avec une scène de théâtre et des coulisses à demeure (voir dessin annoté).

Ces deux premières ailes accueillirent les élèves des Jésuites pour la rentrée d’octobre 1606.

Comme le montre le dessin, les constructions ne s’arrêtèrent pas là.

L’architecte, le Père Samier, un Jésuite, nourrissait de vastes projets pour ce nouveau collège et voyait grand, très grand même.

Il établissait les plans, choisissait les matériaux (briques pour les murs, du chêne pour les charpentes, ardoises pour les toitures), surveillait les travaux et présentait la note à la municipalité… Celle-ci payait sans sourciller.

Ainsi, aux bâtiments des classes, on ajouta ceux réservés à l’administration, aux logements des religieux et à ceux de leurs hôtes de marque (Père provincial, évêques, etc.).

Enfin pour couronner le tout, fut érigée la « chapelle » consacrée en 1612 par Mgr De Visschere, évêque d’Ypres.

Il s’agissait en fait d’une magnifique église, la Paeterskercke (église des pères), de 44 mètres de long sur 14 de large, richement meublée : trois autels, un banc de communion en fer forgé, un jeu d’orgues avec buffet, lambris de chêne, onze tableaux de maître dont un Rubens au-dessus du maître-autel, et huit confessionnaux qui, dit-on, ne devaient jamais être époussetés tant leur utilisation était intensive. Il faut dire que les élèves des Jésuites fréquentaient cette chapelle quotidiennement et que, de plus, elle était ouverte aux fidèles de Bergues et des environs pour y assister à la messe, aux vêpres, suivre neuvaines, missions, prédications, confessions organisées pour eux par les bons Pères.

Le culte de la Mère de Miséricorde introduit en 1631 et à qui plusieurs miracles sont attribués, contribua à la grande fréquentation de ce sanctuaire. (Cette statue, réinstallée dans la chapelle en 1954, se trouve actuellement, en 2016, dans le hall d’entrée du collège actuel).

On a du mal à s’imaginer l’ampleur de cette construction pour un collège dont l’effectif, s’il atteignit le chiffre record de 200 en 1638, fut le plus souvent, vu les vicissitudes des temps, de l’ordre de 80 élèves, tous externes. Même si le confort intérieur était des plus sommaires, cela représenta un effort financier considérable pour la ville et la châtellenie. Précisons que les salles de classe n’étaient pas chauffées et que le mobilier se réduisait à quelques bancs pour les élèves et une chaire surélevée pour le professeur.

Les élèves originaires des environs de Bergues logeaient chez l’habitant, ou, pour les plus pauvres, dans des internats indépendants, appelés séminaires, fondations créées par des personnes généreuses et fortunées.

Le plus important était le séminaire De Cupère qui accueillait 50 élèves, situé juste en face du collège dans la rue qui porte encore le nom évocateur de Rue duséminaire. Il en existait deux autres, plus modestes, celui de Mademoiselle Robyns et celui de Charles Van den Bussche qui accueillaient respectivement dix et six élèves. La plupart recevaient une bourse d’étude accordée par ces généreux fondateurs.

Les Jésuites se déplaçaient également dans la campagne environnante pour y prêcher la bonne parole, et surtout pour soigner les malades atteints par les épidémies nombreuses à cette époque (peste, choléra…)

Aussi, en 1627, la ville fit construire, au fond du jardin, une infirmerie réservée aux religieux ayant contracté quelque maladie au cours de leurs missions… (125 Jésuites moururent à Bergues en 165 ans de présence ; la seule année 1635 vit mourir 9 religieux sur une communauté de 30).

Enfin, pour parachever l’ensemble, la ville fit don de 10 000 florins qui servirent à clôturer le terrain du collège, à le meubler, notamment l’église, et à alimenter la bibliothèque qui sera abondamment fournie. (On peut encore apercevoir des pans du mur de clôture du fond du jardin sur le côté du numéro 25  de la rue Pierre Decroo).

Des années difficiles

Les quarante premières années furent florissantes. Nous avons vu qu’en 1638 le collège comptait 200 élèves, chiffre énorme pour l’époque où la scolarité était loin d’être obligatoire. Même si cela lui coûtait cher, la ville et la châtellenie montraient leur contentement en prodiguant de nombreux cadeaux à l’institution, notamment lors de distributions de prix.

Mais cette région prospère de la Flandre espagnole est convoitée par la France : vont s’ensuivre des décennies de guerre qui entraîneront des difficultés –surtout financières – gênant la bonne marche du collège. Si les bâtiments sont majoritairement épargnés, il n’en est pas de même dans la campagne où les fermes du collège sont pillées, incendiées, les piètres récoltes volées et le bétail abattu. Les ressources qui permettaient le bon fonctionnement du collège disparaissent en grande partie. La ville assura un effort financier aux « bons pères » qui avaient voulu gérer eux-mêmes les ressources… Selon les circonstances, la ville fut occupée tantôt par les Espagnols, tantôt par les Français, jusqu’en 1668 où, par le traité des Pyrénées, Bergues devint française.

La paix revenue, on espérait un nouvel essor : il n’en fut rien ! L’ordre de Saint Lazare, bien vu de Louis XIV, réussit à récupérer les revenus des 350 hectares qui lui avaient été enlevés par les archiducs en 1600. Devant la protestation, le monarque fit machine arrière, mais imposa aux deux ordres religieux de partager : les difficultés financières continuaient. S’ensuivirent deux décennies de procédure jusqu’en 1693 où les Jésuites récupérèrent enfin la totalité des ressources.

Et puis ce fut la proscription des Jésuites, jugés trop favorables à la papauté au détriment du roi de France. Ceux de Bergues quittèrent la ville le 1er avril 1765 après une cérémonie d’adieu émouvante.

Le Magistrat qui avait tout fait pour garder « les bons pères » n’en avait pas moins mené des tractations pour qu’ils soient remplacés par des prêtres du diocèse : ils prirent leur fonction à la rentrée des vacances de Pâques et l’année scolaire ne fut pas interrompue.

Ce que le magistrat n’avait pas prévu, c’est que le roi, tout en expulsant les jésuites, montrait à leur égard une certaine mansuétude : une pension devait être versée aux exilés pendant trente ans.

Un simple calcul permet de saisir la situation : comment, avec 7 160 livres de revenus, prélever 5 000 livres pour les Jésuites, 5 900 livres pour le traitement du principal et des professeurs, ce à quoi il fallait encore ajouter le salaire des domestiques et les frais d’entretien et de fonctionnement d’un établissement de cette importance ? Sans parler des 6 000 livres de dettes qui étaient encore à rembourser.

Les explications et supplications n’y firent rien : la seule réponse obtenue fut la menace de fermeture si le collège ne payait pas immédiatement…L’établissement fermé, les 7160 livres seraient alors suffisantes…

Le premier magistrat et le collège essayèrent de se débrouiller : la ville, une fois de plus, accorda 1000 livres par an, avec un rappel des années précédentes, on contracta des emprunts à long terme, tout en sachant fort bien qu’il serait difficile de rembourser, on se sépara des bijoux de famille : le Rubens, suspendu au-dessus du maître-autel fut cédé au Roi, une vente de bois fut réalisée dans une ferme de Socx, le matériel de brasserie abandonné par les Jésuites fut acheté par un particulier, on vendit même les vieux meubles et vieux cadres qui encombraient les greniers, réalisant ainsi la première (?) brocante de Bergues.

Ces mesures, insuffisantes, en entraînèrent d’autres : pour limiter les frais d’éclairage et d’hosties l’église fut fermée au culte des paroissiens, on regroupa les classes de 5ème et de 6ème en une seule pour supprimer un poste de professeur ; enfin, en 1772, on vendit une partie du jardin qui bordait le Marché aux Chevaux (correspondant actuellement aux numéros 8 à 16).

Le Collège allait-il fermer ? La question était sérieusement posée, quand, en 1773, le pape Clément XIV supprima la Compagnie de Jésus. Ses biens furent séquestrés et ses revenus devaient être répartis entre les différents anciens collèges dirigés par les Jésuites. En attendant la concrétisation de cette mesure, le Collège reçut une avance de 10 000 livres qui furent un ballon d’oxygène pour ses finances presque complètement asphyxiées.

En 1787, en espérant quelques revenus supplémentaires, les premiers pensionnaires furent admis dans le collège. L’espoir renaissait une nouvelle fois.

Mais nous sommes à deux ans de la Révolution.

La révolution

Les idées généreuses de 1789 enthousiasmèrent nombre d’élèves et de professeurs ; presque tous les prêtres du collège signèrent solennellement la constitution civile du clergé, ce qui n’était pas du goût de certaines familles berguoises qui retirèrent leurs enfants de l’institution. Les prêtres jureurs furent tentés par les cures devenues vacantes comme celle de Dunkerque… Après la fuite des élèves, ce fut celle des maîtres. Ils furent remplacés par des laïcs parfois jugés incompétents. De 120 en 1789, l’effectif était tombé à 34 en 1792.

Le coup de grâce fut donné en 1793 par la promulgation de la loi édictant la confiscation et la vente des biens de l’Eglise : les vases sacrés furent fondus pour faire de la monnaie, les séminaires disparurent, et les terres et fermes qui assuraient les ressources du Collège furent vendues aux enchères. Le district qui, en contrepartie, devait payer les professeurs n’avait pas d’argent ; aussi les payait-il avec retard ou pas du tout… Quand, en 1794, le directeur mourut, il ne fut pas remplacé et le Collège ferma ses portes, six mois avant la loi de 1795 qui annonçait la suppression des anciens collèges.

Les vastes bâtiments furent mis à la disposition de l’Etat : l’église qui servit un temps de magasin à tabac pour un riche particulier devint tantôt logement de garnison, tantôt magasin d’effets nationaux ou grange pour le fourrage. On en profita pour vendre toutes les boiseries devenues inutiles : confessionnaux, autels, lambris, etc…

Dans les autres locaux on enferma des prisonniers dont beaucoup étaient malades. On créa une corroierie pour la confection de souliers pour la troupe. Furent entreposées également toutes les richesses de l’abbaye de Saint Winoc et des autres couvents de Bergues : tableaux, boiseries, et surtout la bibliothèque comprenant au moins 60 000 volumes. Beaucoup se détériorèrent dans les salles humides du collège où ils étaient entassés sans aucune précaution avant d’être dispersés çà et là dans diverses bibliothèques publiques.

Première réouverture, seconde fermeture

La Convention voulut remplacer les sept à huit cents collèges de l’Ancien Régime par une centaine d’Ecoles Centrales, une par département. Ce nombre s’avérant nettement insuffisant, quelques Ecoles Centrales Supplémentaires étaient envisagées dans les départements les plus peuplés.

C’est dans ces circonstances que la ville de Bergues obtint l’autorisation de rouvrir son Collège le 1er décembre 1802. Restait à rendre les bâtiments utilisables : après huit années de fermeture, la construction s’était beaucoup détériorée, certaines ailes même tombaient en ruine… Il fallait refaire les toitures, les murs, les menuiseries et fenêtres… Un premier devis pour les réparations les plus urgentes s’élevait à 9 700 francs. La ville n’était pas riche ; les revenus des 350 hectares avaient disparu. On se contenterait de réparations sommaires pour quelques salles de classes dont le devis s’élevait quand même à 2327 F. On ne disposait que de 2000 francs que l’on confia au directeur en lui disant de « se débrouiller »…

C’est dans des bâtiments en décrépitude que douze externes se présentèrent auxquels on ajouta les élèves de l’école de dessin. Le directeur, Jean-Winoc Loorius, un professeur de langues et le professeur de dessin encadraient tout ce petit monde.

Même si les conditions de sécurité n’étaient pas aussi draconiennes que de nos jours, le Grand Maître de l’Université menaça, en 1809, de fermer le collège si un certain nombre de travaux urgents et indispensables n’étaient pas réalisés immédiatement.

Faute de ressources, le premier magistrat, Monsieur Minaert, prit la décision de démolir les bâtiments qui nécessitaient les plus grosses réparations et qui étaient jugés inutiles : l’église ainsi que les bâtiments qui autrefois abritaient l’administration et les Pères Jésuites – la Résidence – furent abandonnés à la pioche des démolisseurs. Avec le fruit de la vente des matériaux récupérés, on espérait pourvoir aux réparations des deux ailes restantes : les murs donnant sur l’area furent reconstruits, et l’on remplaça portes, planchers, fenêtres, charpente et ardoises. On profita de ces travaux pour percer un corridor qui permettait de changer de salle de classe sans être obligé de sortir dans la cour.

Cette école secondaire, devenue en 1809 Collège Communal, n’eut jamais grand succès ; le collège ne retrouva pas la renommée qu’il avait connue dans ses débuts.

A cela, plusieurs raisons : les difficultés de l’époque, conscriptions, guerres, occupations, ne permirent pas à une nombreuse jeunesse de fréquenter les bancs de l’école ; la nomination centralisée des directeurs et professeurs ne contribua pas à créer une communauté stable dans le corps enseignant. De 1802 à 1828, le nombre d’élèves fut, en moyenne, de vingt-neuf…

En 1828, on espéra beaucoup du nouveau principal, Monsieur l’abbé Devin, grand pédagogue et organisateur avisé.

Il fit connaître ses projets pédagogiques par un prospectus judicieusement distribué dans la région : il y signalait l’ouverture du collège aux pensionnaires et l’enseignement de nouvelles matières telles que le style épistolaire, le calcul, la tenue des livres, l’histoire-géographie…

Le succès fut immédiat : dès sa première rentrée, il regroupait cinquante élèves et, en 1829, plus de quatre-vingts dont trente pensionnaires. Cette même année il fit aménager un petit oratoire au premier étage du bâtiment parallèle à la rue du séminaire.

Monsieur Devin, conscient de sa valeur, supportait assez mal la double tutelle de l’Université et de la ville. (Un Bureau se mêlait de tout, y compris de l’enseignement…) Fort de son succès, il présenta un projet de contrat qui aurait fait de lui le chef incontesté de l’établissement, tant sur le plan scolaire que financier. La ville refusa. Monsieur Devin démissionna et fonda à Quaëdypre, au lieu-dit Le Buissaërt, une maison d’éducation conforme à ses idées. Ce collège dissident était installé sur une propriété appartenant à Monsieur de Staplande. Beaucoup d’élèves et quelques professeurs suivirent leur directeur ; au bâtiment d’origine furent ajoutées deux ailes qui permirent d’accueillir jusque cent cinquante élèves, tous pensionnaires. Après l’engouement du début, les enseignants se firent plus rares et se dérobèrent un peu à la fois, en raison de l’isolement de cette maison d’éducation qui dut fermer en 1841, après neuf années d’existence. Les bâtiments furent détruits peu après et le terrain rendu à la culture.

Après le départ de l’abbé Devin avec nombre de ses élèves, le collège périclita : faute d’effectifs, on ferma les classes supérieures. En 1835, il ne restait que neuf élèves et la ville envisagea la fermeture…

Sous les instances de quelques Berguois influents, un sursis fut accordé. Pour occuper les locaux, une salle de classe fut réservée à « l’école primaire supérieure ».

En 1840, l’abbé Bécuwe, lui-même ancien élève du collège au temps de l’abbé Devin, accepta d’essayer de « remonter » le collège. Malgré tous ses efforts et ses idées novatrices, il échoua.

Fatigué d’une cohabitation difficile avec l’école primaire supérieure (les tensions étaient telles qu’il avait fallu murer le corridor pour la séparer des classes du collège), peu soutenu financièrement pour ses projets de renouvellement des matières d’enseignement et faute d’auditoire suffisant pour en profiter, Monsieur l’abbé Bécuwe démissionna en 1844. Il ne fut pas remplacé et la ville décida la fermeture du collège, estimant que les services rendus ne compensaient pas les sacrifices consentis…

Deuxième réouverture

Le changement de Régime, de municipalité et la promulgation de la loi Falloux sur la liberté d’enseignement permit au collège de rouvrir ses portes en 1850 sous le nom d’  « Institution Saint-Winoc ».

La direction fut confiée aux Prêtres de Saint Bertin, association de prêtres spécialisée dans l’enseignement, puis aux prêtres diocésains. La ville mettait les locaux à disposition gracieusement et s’engageait à assurer les grosses réparations. De plus elle accordait une subvention de fonctionnement.

Le succès fut rapide : de 23 élèves au début, l’effectif atteignit la centaine en 1860, si bien qu’il était urgent d’agrandir. Les finances de la ville ne permirent que la construction d’un préau fermé, attenant à la salle d’étude, et qui pouvait servir de salle des fêtes. L’ancienne aula des jésuites fut transformée en dortoir.

La guerre de 1870 entraîna une baisse des effectifs et les prêtres de Saint Bertin, un peu découragés quittèrent le collège en 1874. Ils furent remplacés par des prêtres du diocèse qui en gardèrent la direction jusqu’en 1985, date à laquelle le diocèse, par manque de prêtres, désigna des laïcs pour leur succéder.

Le premier prêtre diocésain nommé à sa tête aurait à remonter le collège : il s’agissait de Monsieur l’abbé Lamant. Jeune, méthodique, doté d’un bon sens pratique, il possédait en plus une « petite fortune » personnelle qu’il mit souvent à contribution pour anticiper des améliorations qu’il jugeait opportunes.

Dès le départ, il réussit à réunir 20 pensionnaires (les prêtres de Saint Bertin n’en transmettaient qu’un seul…) et 50 externes. Très vite on se sentit à l’étroit. Mais la ville de Bergues avait des soucis financiers : elle avait contracté de gros emprunts pour la réfection de l’hôtel de ville… Pas question de construire ! Mais l’entrepôt appartenant à M. Hamilton, contigu au collège puisque construit à l’emplacement de l’église des Jésuites démolie en 1812 était à vendre… Ne voulant laisser échapper cette opportunité, Monsieur Lamant acheta les bâtiments de ses deniers (35000 francs pour l’entrepôt et la maison attenante) auxquels s’ajoutèrent 20000 francs de travaux d’aménagements, notamment pour la chapelle. La ville verserait un loyer annuel de 1500 francs en attendant des finances meilleures qui lui permettraient de racheter le bâtiment.

Au rez-de-chaussée furent installés les cuisines et le réfectoire et à l’étage fut aménagée une chapelle richement décorée dont on pouvait encore apercevoir les peintures du chœur dans ce qui était devenue (en 2000) la salle municipale de judo. L’ancienne chapelle devint un nouveau dortoir et l’ancien réfectoire fut transformé en salles de classe.

En 1878, l’effectif s’élevait à 142 élèves répartis à ce que nous appellerions de nos jours du cours élémentaire à la terminale.

C’est pendant cette période prospère que fut construit un gymnase et creusé un « bassin de natation » qui, pendant les vacances, servait d’étang de pêche au directeur et à ses proches…

Difficulté avec la ville

Les mentalités changeaient ; l’anticléricalisme gouvernemental avait déteint sur la municipalité de Bergues. Aussi, quand l’abbé Lamant fit connaître son intention de renouveler le bail, en 1886, il fut tout surpris des nouvelles dispositions proposées : la municipalité exigeait des conditions d’hébergement améliorées, davantage de professeurs, et en même temps diminuait la subvention annuelle et arrêtait de payer le loyer de l’annexe Hamilton. Faute de pouvoir s’arranger, l’abbé Lamant annonça la fermeture du collège.

Devant l’émoi suscité à Bergues par cette annonce, et après intervention de Mgr l’archevêque, le maire fit machine arrière : la subvention resta réduite, mais le loyer de l’annexe continua à être versé. Entre-temps, beaucoup de famille avaient inscrit leur enfant dans d’autres institutions, si bien qu’à la rentrée de 1886 le nombre d’élève était diminué par deux (77).

Les tensions retombèrent ; l’abbé Lamant changea de ministère et fut remplacé par M. l’abbé Rajon qui enseignait au collège depuis son ordination en 1885. En 1896, la ville accepta de construire un nouveau bâtiment de 14m de long sur 8 de large. Les effectifs augmentèrent et l’on comptait 160 élèves en 1898. Les baux se renouvelaient tous les quatre ans avec à chaque fois d’âpres discussions tentant à faire baisser l’aide de la ville.

L’année 1908 étant une année d’élections municipales, le renouvellement du bail fut remis jusqu’en mai, afin de ne pas engager la municipalité future. La campagne électorale fut acharnée, de part et d’autre des forces en présence les attaques furent virulentes. Le parti d’opposition à Monsieur Léon Claeys, maire sortant, mit, à tort ou à raison, le sort réservé à l’Institution Saint-Winoc depuis quelques années dans ses arguments électoraux, entraînant une exacerbation des deux camps. L’équipe municipale de Monsieur Claeys, élue en mai, se radicalisa et les nouvelles conditions du contrat proposé au collège furent les suivantes :

–      Suppression totale de la subvention ;

–      Suppression du loyer versé à Monsieur Lamant pour l’annexe Hamilton ;

–      Mise à disposition des locaux moyennant un loyer de 2000 francs.

Monsieur Rajon, après mûre réflexion, envisagea de tenter de maintenir l’Institution et demanda de pouvoir essayer de fonctionner dans ces conditions pendant une année. La ville tenait à un engagement pour quatre ans. Dans ces conditions le Supérieur renonça et, le 23 juillet 1908, au cours d’une lugubre distribution de prix anticipée, annonça la fermeture du Collège et renvoya dans leurs foyers les cent quarante élèves de l’Institution.

Une fois de plus, la population s’émut. Une pétition circula qui recueillit, entre autres, la signature des quatre cinquièmes des commerçants  de Bergues qui, en outre, ouvrirent une souscription pour venir en aide au collège. Le Doyen intervint à son tour et offrit sa garantie en cas de déficit… Devant cet élan de solidarité et de soutien, le bail fut enfin signé ; mais, encore une fois, inquiètes de l’avenir, nombre de familles avaient inscrit leurs fils dans d’autres établissements, si bien que des cent quarante élèves en juillet 1908, il n’en restait que soixante-dix à la rentrée d’octobre…

Cette année scolaire 1908-1909 qui commençait bien mal allait se terminer dans la tragédie.

L’incendie de 1909

C’était le jeudi 17 juin, jour de 1ère communion. Vers 13 h 15, des voisins aperçoivent de la fumée s’échapper de la toiture du bâtiment principal et préviennent le collège. L’alerte est aussitôt donnée : pompiers, soldats, gendarmes, toute la population accourt. Cinq pompes à bras sont mises en action, puisant l’eau dans le bassin de natation. Très vite, l’eau vient à manquer. Mal équipés pour lutter contre de grands incendies, les pompiers ne peuvent rien contre la propagation  des flammes. Vers 18 h, le feu diminue : tout ce qui était en bois a brûlé. De l’antique maison des Jésuites, il ne reste plus que murs calcinés, gravats, lits de fer tordus… Seul le préau couvert, peu élevé a pu être quelque peu préservé. L’annexe Hamilton, un peu à l’écart, a échappé au désastre.

Les élèves, renvoyés chez eux, sont convoqués pour le mardi suivant 22 juin. Pour finir l’année scolaire, on utilisa l’annexe Hamilton, et pour un temps le patronage situé en haut du Marché aux chevaux.

Qu’allait devenir le collège ? Un comité d’anciens élèves, sous la présidence d’Emile Blanckaert, notaire, s’en souciait. Il demanda à racheter le terrain. La municipalité refusa, mais proposa au comité de reconstruire le collège, à ses frais : on mettrait à sa disposition les 52000 francs de l’assurance. Le bail serait alors renouvelé. (Ce qui entrainerait le collège à payer un loyer pour des bâtiments qu’il aurait en grande partie financés). Le comité accepta, à condition d’obtenir un bail pour 18 ans. La ville tergiversa et la réponse tardait à venir.

Le comité renonça et fonda une Société Civile Immobilière et se mit en quête d’un terrain propice à un nouveau départ.

L’enquête sur l’origine de l’incendie fut bâclée : on invoqua des débris de verre qui auraient mis le feu à de vieilles chaises de paille… On ne saura sans doute jamais l’exacte vérité.

L’année 1909-1910 se déroula dans les locaux de l’annexe Hamilton où 31 élèves se regroupaient autour de leur nouveau supérieur, Monsieur l’abbé Grenon.

L’incendie Rue du collège

Le comité porta son dévolu sur une grande demeure sise au numéro 20 rue du collège et qui possédait un vaste jardin donnant sur le Marché aux Bestiaux. Mademoiselle Marie Galloo, âgée de 87 ans, accepta de quitter la maison où elle avait toujours vécue. La maison voisine, plus modeste, fut acquise par la même occasion. Nous sommes en septembre 1910. Les effectifs augmentaient. La générosité des donateurs fut telle que, dès 1911, on lança la construction d’un bâtiment de 28 mètre de long sur 8 de large. En mai 1914, on commença la deuxième tranche qui s’étendait jusqu’au Marché aux Bestiaux. La maçonnerie atteignait la corniche quand la guerre éclata, interrompant la construction.

Il fallut attendre 1923 pour voir s’achever ce bâtiment comprenant, au rez-de-chaussée, la chapelle qui sera inaugurée en 1926.

Si la seconde guerre mondiale épargna le gros œuvre, elle occasionna de gros dégâts dans les différents bâtiments. C’est en allant vérifier les ravages causés par une bombe que Monsieur l’abbé Deburgraeve, supérieur, fut atteint de plusieurs balles de mitrailleuses. Faute de soins appropriés, il mourut le lendemain, 3 juin 1940, après d’horribles souffrances.

Après la guerre, il fallut remettre tout cela en état. Ce fut l’œuvre de Messieurs les abbés Ryngaert et Froidure.

Ce dernier, appelé en février 1953, à la direction diocésaine de l’enseignement du premier degré, fut remplacé par un jeune professeur de 31 ans, l’abbé Joseph Ley.

Les extension

Pressentant l’impact qu’auraient sur les établissements scolaires le baby-boom et la prolongation de la scolarité obligatoire, l’abbé Joseph Ley, en trois décennies, allait doter le collège de l’ensemble immobilier dont chacun, aujourd’hui admire l’ampleur et apprécie les aménagements.

En 1954, il fait revenir solennellement la statue de la Mère de Miséricorde, conservée depuis la Révolution dans une famille de particuliers : nul doute qu’elle protégea le jeune Supérieur dans toutes ses entreprises.

En 1955, il fait installer une salle de douches individuelles appréciées des pensionnaires qui restaient au collège 3 semaines d’affilée. En 1956, c’est une petite salle de gymnastique qui est construite près de l’étude, avec au premier étage, une salle de classe qui sera longtemps la classe de 7ème, puis des CPPN. (Le C.D.I. occupe maintenant le rez-de-chaussée).

En 1958, l’abbé Ley réussit à convaincre le Conseil d’administration de se porter acquéreur de la maison Cardinael, voisine du collège et qui possédait un vaste jardin donnant sur le Marché aux Bestiaux. La même année le collège fit l’acquisition du 22 bis, autre vaste demeure, dans le jardin duquel fut construit « l’atelier » devenu depuis l’internat. C’est là aussi que furent construites des classes préfabriquées dont les deux plus anciennes existent toujours.

A cette époque le ramassage scolaire n’existait pas et les pensionnaires étaient nombreux. En 1966, l’ancienne maison de Mademoiselle Galloo  fut rehaussée de deux étages où l’on installa un vaste dortoir surmonté de chambrettes. La conserverie de petits pois ayant disparue dans un incendie, le Supérieur se porta acquéreur du terrain et fit construire la Salle Vauban qui fut longtemps la seule grande salle des fêtes sur le territoire de Bergues. Elle fut solennellement inaugurée en 1968.

En 1973, l’institution Sainte Thérèse et l’institution Saint-Winoc fusionnaient. Les bâtiments situés rue du Collège ne pouvant accueillir près de 600 élèves, les 6ème et 5ème eurent leur cours dans les locaux situés rue Faidherbe, appelés « Annexe ».

Les classes préfabriquées étaient séparées du reste du collège par le jardin de Madame Soffys. Au décès de cette dame, Monsieur le Supérieur se porta acquéreur de la maison. Pour cela il revendit le « 22 bis » tout en conservant le vaste jardin sur lequel il avait fait construire. En 1981, lors d’une mémorable « journée portes ouvertes », le chanoine Ley put présenter l’ensemble immobilier du collège Saint-Winoc dont la surface avait doublé pendant son supériorat.

Après trente-deux ans de direction, Monsieur le supérieur quitta le collège pour se consacrer exclusivement à l’école secondaire d’agriculture qu’il avait créée en 1961.

Il fut le dernier prêtre à la tête de l’institution.

Restructuration et rénovation

Il n’était plus temps d’agrandir, mais d’entretenir et de réorganiser : ce fut la tâche à laquelle les différents directeurs laïcs se consacrèrent.

Les pensionnaires étant moins nombreux, deux dortoirs furent transformés en salles de classe ; cela permit à Monsieur Tilmont, en 1991, de rapatrier les élèves de sixième et de cinquième dont les cours se déroulaient toujours rue Faidherbe. C’est à cette date que les deux classes de CM2 rejoignirent l’une l’école Sainte Thérèse, l’autre l’école Saint-Pierre.

En 1994, Monsieur Le Sant installa l’internat filles et garçons dans l’ancien atelier construit en 1958 et complètement rénové. Cela permit d’aménager de nouvelles salles de classe dans l’espace libéré. L’ancienne salle de gymnastique devint un superbe C.D.I. En 2000, année de la célébration des 400 ans du collège, la chapelle fut complètement rénovée  et transformée en salle multimédia.

Le bâtiment donnant sur la rue du collège, constitué de plusieurs maisons particulières fut lui aussi aménagé : on y trouve aujourd’hui un laboratoire de physique, un de sciences naturelles et deux salles de technologie.

Signalons également en 2007 la transformation complète du restaurant scolaire.

En 2015, l’internat a malheureusement dû fermer ses portes. Le bâtiment a été réhabilité pour réaliser de nouvelles salles de classe et un nouveau CDI. Parallèlement, de nombreux travaux ont été réalisés : rampe pour les personnes à mobilité réduite, amélioration de la salle de restauration, nouvelles salles de classe. Ces travaux ont été réalisés afin d’améliorer le bien être et le confort des élèves.